RDT 13 : une image ternie
La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur a contrôlé sur la période 2016-2021, la régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13). Cet établissement public industriel et commercial exerce principalement une activité de transport de voyageurs par autocars.
La chambre constate de nombreux manquements dans la gestion de la régie qui appellent des mesures correctrices fortes et rapides. L'intégralité du rapport est joint en format PDF en fin d'article.
En fait, la bonne image des navettes routières Aix-Marseille souvent mise en avant pour vanter la qualité et l'efficacité des services RDT 13 masque de multiples et importantes lacunes dans la gestion de cette régie.
SYNTHÈSE
La régie départementale des transports des Bouches-du-Rhône (RDT 13) est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé par le conseil général des Bouches-du-Rhône, en 1913. La régie exerçait initialement une activité ferroviaire (transport d’hydrocarbures notamment) à laquelle s’est ajoutée une activité de transport de voyageurs par autocars sur lignes régulières et scolaires, qui est aujourd’hui son activité principale.
La chambre relève de multiples et importantes lacunes dans la gestion de la régie, qui appellent des mesures correctrices fortes et rapides, tant de la RDT 13 que de la métropole dont elle est l’opérateur. À ce stade, la régie n’a pas su, en dépit de ses moyens confortables, se doter d’une structure administrative adéquate.
Une absence de stratégie et de contrôle
En 2017, à l’occasion des transferts de compétences opérés entre le département, d’une part, et la région et la métropole, d’autre part, les collectivités ont fait le choix, en contradiction avec la loi, de transférer la régie à la métropole dans son intégralité, y compris pour les activités qui excèdent son périmètre.
Ce maintien de l’unité est réalisé à tout prix. Pour conserver des transports scolaires relevant de la région et situés hors de la métropole et préserver ainsi le dépôt de Châteaurenard, la régie a arrêté des tarifs inférieurs à ses coûts réels, pour s’aligner sur les autres fournisseurs de la région. Cet écart de coût est de facto financé par le contribuable métropolitain.
Les activités de la régie n’ont cessé de s’accroître et se diversifier. Sur le pôle voyageurs, le transport interurbain a progressé jusqu’à la crise sanitaire, le transport scolaire s’est développé et la régie s’est vue confier l’exploitation du bus à haut niveau de service (BHNS) d’Aix-en-Provence, mais aussi la location de longue durée de vélos électriques. Sur le pôle ferroviaire, en plus des transports par rail de déchets, la régie gère aujourd’hui des centres de transfert de déchets et ambitionne de se positionner sur un réseau de fret ferroviaire, voire le transport express régional (TER). Cet accroissement, au coup par coup, ne s’appuie sur aucune réelle stratégie formalisée de la régie ou de la métropole. Cette dernière, qui détient la majorité des sièges au conseil d’administration, n’en assure pas le pilotage effectif au vu du nombre d’absences des administrateurs métropolitains et des informations très superficielles fournies en amont ou lors des séances.
Des irrégularités systémiques dans la commande publique
Alors que la régie achète pour plus de 50 M€ par an, des irrégularités, présentant un caractère systémique, entachent la commande publique et offrent un « panel » très complet des irrégularités possibles en matière d’achat public. Des commandes sont passées sans aucun support juridique pendant plusieurs années ou, au-delà du terme ou en dehors du périmètre du marché initial. Des contrats sont signés sans aucune mise en concurrence, pour des sommes pouvant représenter plusieurs millions d’euros. Des marchés sont passés selon des procédures inadaptées. Des prestataires sont intervenus dans des procédures sans aucun contrat, ont même participé à l’élaboration du cahier des charges de leur futur marché…
Au regard de ces problèmes structurels, il convient que la RDT 13 se dote urgemment d’une structure en charge des achats, de process clairs et d’outils de contrôle du respect de ces process.
Des conduites de projets chaotiques
De nombreux projets ont été lancés, puis abandonnés après que, finalement, leur utilité n’ait pas été avérée. Des sommes importantes ont ainsi été dépensées en études, dossiers de permis de construire, etc., en pure perte.
Les opérations d’investissement majeures réalisées ces dernières années se sont généralement mal déroulées. Ainsi, le dépôt d’Aix-en-Provence, dont les travaux auraient dû être achevés fin 2019, n’étaient toujours pas livrés en mars 2022. Le dépôt de Gémenos / Aubagne a donné lieu à des conflits avec les sociétés en charge des travaux, non réglés en mars 2022. L’achat de caissons et de wagons pour le transport des déchets a montré des défauts de conception et s’est, là encore, traduit par des conflits avec les entreprises.
Des coûts élevés, un sur-financement de la métropole
Les objectifs de la régie sont fixés par la métropole via un contrat d’objectifs de service public. Signé fin 2016 et courant jusqu’au 31 décembre 2023, ce contrat est nettement déséquilibré à l’avantage de la régie. Il n’intègre ainsi aucun objectif de recettes, rémunère la régie sur la base de coûts obsolètes et, pour partie, inexplicables.
Malgré des coûts kilométriques très au-dessus du marché (entre 5 et 35 % pour le transport interurbain de voyageurs et jusqu’à 80 % pour le transport scolaire), la régie dégage chaque année, grâce aux prix élevés payés par la métropole, un résultat largement excédentaire. Ce dernier est généré par le pôle voyageurs, le pôle ferroviaire étant, pour sa part, devenu nettement déficitaire.
Les différents biais qui affectent la comptabilité analytique ne permettent pas de s’assurer d’une absence de subvention du pôle voyageurs vers le pôle ferroviaire faussant la concurrence à laquelle la régie est soumise dans ce secteur. La régie est, par ailleurs, possiblement assujettie à l’impôt sur les sociétés pour une partie de ses activités, mais ne s’en est jamais préoccupée.
La situation financière confortable de la RDT 13 lui permet une gestion des ressources humaines très avantageuse avec des évolutions des grilles salariales qui s’ajoutent à celles définies au niveau national, de nombreuses primes et indemnités essentiellement négociées en interne, en forte progression, et un régime d’épargne salariale très favorable. En complément du dispositif d’intéressement, la régie a notamment mis en place un régime de participation que la réglementation ne lui impose pas. La régie octroie, par ailleurs, des véhicules de fonction au directeur général et à plusieurs membres de l’équipe de direction, dont les coûts sont supérieurs à ceux octroyés aux plus hauts fonctionnaires de l’État.
Les dysfonctionnements qui affectent l’organisation de la fonction achats se retrouvent dans le circuit de la paye, lequel s’avère totalement insécurisé.
Sa situation financière permet également à la régie de ne pas se préoccuper outre mesure du suivi des paiements de ses clients autres que la métropole. De très anciennes factures n’ont ainsi jamais été recouvrées et le suivi des créances est pour le moins confus.
Des comptes qui ne sont pas fiables et entachés d’irrégularités
L’organisation comptable de la RDT 13 est clairement défaillante avec une absence de séparation entre ordonnateur et comptable et de nombreux autres manquements à la réglementation (transmission partielle des comptes à la chambre régionale des comptes, détention irrégulière de comptes en banque privés, rattachements de charges irréguliers, restes à réaliser non conformes à la réglementation…). L’encaissement des titres de transport est irrégulier puisque les conducteurs ne sont pas habilités à manier les fonds et les régisseurs ou mandataires ne sont pas désignés conformément à la réglementation.
Dans ce domaine également, il convient que la régie remédie urgemment aux lacunes constatées.
RECOMMANDATIONS
La chambre formule huit recommandations :
- Recommandation n° 1 : Mettre en œuvre une comptabilité d’engagement, notamment pour rattacher les charges et produits à l’exercice et les restes à réaliser conformément aux dispositions de l’instruction M43.
- Recommandation n° 2 : Constituer les provisions nécessaires conformément à la réglementation (provision pour créances douteuses, pour comptes épargne temps, pour indemnités de départ en retraite).
- Recommandation n° 3 : Refondre les fiches de lignes régulières et scolaires sur la base des coûts réellement constatés.
- Recommandation n° 4 : Nommer les régisseurs, suppléants, mandataires hors suppléants conformément à la réglementation. Nommer les conducteurs mandataires afin de leur permettre d’encaisser régulièrement le produit de la vente des titres de transport vendus à bord des véhicules.
- Recommandation n° 5 : Se rapprocher des services fiscaux pour vérifier, dans le cadre d’un rescrit fiscal, la situation de la régie au regard de l’impôt sur les sociétés.
- Recommandation n° 6 : Sécuriser le circuit de la paye en formalisant les décisions prises en matière de gestion des ressources humaines, en transmettant systématiquement au comptable les pièces lui permettant d’exercer les contrôles requis avant paiement.
- Recommandation n° 7 : Régulariser le contrat du directeur général actuel.
- Recommandation n° 8 : Structurer l’organisation de la commande publique et mettre en place des processus d’achats sécurisés et documentés.
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