Bus Haut Niveau de Service ou Tramway à Toulon : un débat qui en annonce d'autres ….
Un collectif toulonnais lance le débat à propos du choix à opérer par la communauté urbaine de Toulon Provence Méditerranée en matière de Transport Collectif en Site Propre (TCSP). Nul doute que ce débat va concerner prochainement d'autres collectivités territoriales. En effet, 5 autres projets de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) sont à l'étude (Berre, Aix, Marseille et Cannes) dans notre région. C'est aussi une occasion de constater l'intérêt que suscite auprès des populations la question des déplacements de la vie quotidienne. Il est vrai qu'avec l'augmentation du prix des carburants, il y a lieu d'être attentif à l'alternative ...!
Le Collectif « Un tramway pour l’agglomération toulonnaise » s'adresse à Mesdames et Messieurs les Conseillers communautaires de Toulon Provence Méditerranée :
Madame, Monsieur,
Nous nous permettons de nous adresser à chacun d’entre vous car vous allez devoir prochainement vous prononcer sur un sujet d’importance capitale qui engage la vie de l’agglomération pour plusieurs générations, le choix du TCSP.
La question est : quel type de développement voulez-vous pour l’agglomération toulonnaise à l’horizon 2020-2030 ? Voulez-vous satisfaire des besoins à très court terme et au moindre coût risquant de compromettre l’avenir même de l’agglomération ou avez-vous l’ambition de créer un équilibre cohérent et viable à long terme entre les trois piliers que sont :
· le développement économique
· la préservation de l’environnement
· le progrès social
Si vous choisissez cette seconde option, c‘est que vous avez fait le choix de continuer dans
la voie du développement économique et social.
Rappelons qu’en 2005, un vote unanime de votre assemblée avait conclu à la mise en place
d’un tramway. Ce système de transport en commun en site propre, cohérent avec le projet urbain,
permettait d’accueillir la population permanente prévue à l’horizon 2030, en se souciant de
favoriser la mixité et la convivialité urbaines, gages d’un mieux vivre ensemble par une facilité d’accès aux emplois, aux échanges, à la culture et aux loisirs. Partout où le tramway a été installé,
on a constaté une évolution favorable de l’activité économique : amélioration des échanges dans
les quartiers, revitalisation des centres villes et de leurs commerces.
Or, si nous en croyons des déclarations faites dans la presse, votre assemblée serait
aujourd’hui invitée à choisir le Bus à Haut Niveau de Service, sans qu’aucune expertise
indépendante, ni débat ne soient intervenus sur ce changement radical. Ce choix serait pour nous,
une très grave erreur pour diverses raisons dont vous avez eu connaissance en consultant le
diaporama que nous avons diffusé, mais nous souhaitons revenir sur les principales.
Le coût
Nous privilégions une gestion en bon père de famille, ce qui implique de considérer la
globalité du coût du projet. Il y a un écart de coût initial entre un BHNS et un tramway : 340 M€
pour un BHNS, 520 M€ pour un tramway, pour les 19km de ligne entre La Garde et la Seyne. Un
bon gestionnaire, au-delà de cette question de l’investissement initial, doit aussi se poser la
question du coût global du projet.
Ainsi, on observe que :
· la durée de vie d’un BHNS entraîne la nécessité de changer les bus au bout de 15/20 ans, soit la moitié de vie d’un tramway.
· le coût de maintenance et de fonctionnement des BHNS utilisés à forte fréquence, est d'après le C.E.R.T.U * plus de 2 fois supérieur à celui d'un tramway, par passager transporté, ce qui aboutit à un écart de l'ordre de 10M€ / an sur la ligne.
Si l’on prend en compte ces coûts d'exploitation, on voit que le surcoût à l'investissement initial (180M€) est quasi compensé sur 15 ans et qu'un BHNS coûtera donc plus cher qu'un tramway à l'usage sans répondre aux besoins en terme de déplacement.
Tout cela confirme les propos du C.E.R.T.U qui pour le Ministère des Transports, affirme
dans ses études comparatives entre BHNS et Tramway que « sur le long terme, la différence de
coût d’un BHNS, exploité à forte fréquence, annule l’avantage constaté à l’investissement ».
La capacité
D’après les chiffres du C.E.R.T.U, la capacité d’un BHNS est de 3.000 voyageurs par heure et
par sens, alors que celle du tramway peut aller au delà de 6.000. Or, les besoins actuels sur le
boulevard de Strasbourg s’élèvent à 4.000 voyageurs aux heures de pointe, et sont estimés à
6.000 à l’horizon 2020. On voit donc qu’avant même sa mise en service, le BHNS ne serait pas
adapté aux besoins de l’agglomération.
Les réalisations des tramways de Nice, Montpellier et Bordeaux pour ne citer que les plus
proches, montrent que les objectifs prévus de fréquentation au bout d’un an ont tous été
atteints avant cette échéance et même dépassés de 15% à 25% (ex. Nice).
A l'inverse, à Nantes, le BHNS de la 4e ligne de TCSP (qui vient compléter un réseau de 3
lignes de tramway existantes) est saturé et plafonne à 3.000 p/h/s. Les usagers et les responsables regrettent le choix du BHNS. Preuve que la leçon a été retenue, le choix pour la 5e
ligne de TCSP nantaise s'orienterait vers un tramway !
En outre, les capacités maximales données ci-dessus assurent dans le cas du tramway, son
accessibilité aux personnes à mobilité réduite, entre autres personnes âgées, handicapées et
familles avec poussette. Dans le cas du BHNS, cette accessibilité n'est pas garantie. Par ailleurs, il y a l’effet « tramway » qui représente un nouveau vecteur de transport : fiable, rapide, non polluant, silencieux et confortable ; ce qui permet d’attirer de nombreux nouveaux usagers (à
Nice, 25% de voyageurs nouveaux dont 32% ont abandonné leur voiture).
Les travaux
Chacun a pu lire dans la presse, des déclarations (cf. interview de M. Chenevard dans Var- Matin du 08/11/10) expliquant que la durée des travaux sera bien inférieure pour un BHNS à celle d’un tramway. Cette affirmation est toutefois plus intuitive que réaliste. En effet, dans cette même
interview à Var-Matin, M. Chenevard explique que pour éviter l’orniérage et le vieillissement prématuré des couloirs de BHNS, il faudra couler des dalles de béton armé de 90cm à 1m
d’épaisseur, ce qui est tout à fait exact. Cela signifie donc aussi que tous les réseaux devront
être déviés, car ils seront quasiment inaccessibles. C’est d’ailleurs le choix effectué par Nantes qui
a déplacé ou rénové tous les réseaux sur l’emprise de sa ligne de BHNS existant afin de garantir la
permanence de l’exploitation de service.
On voit donc que pour le BHNS la durée des travaux et donc leur coût risquent d’être
bien supérieurs à ce qui est annoncé, d'autant plus qu'avec les techniques actuelles, la différence
de durée des travaux entre un BHNS et un tramway, va en s’amenuisant du fait de moyens
nouveaux de mise en place des rails. Le procédé APPITRACK appliqué pour le tramway de Reims, a
permis de diviser par 4 le temps de pose. Les deux ou trois mois supplémentaires exigés par le rail
ne sont rien à côté de la durée d’utilisation de ce mode de transport et de son efficacité.
On notera aussi que, dans toutes les villes où les élus ont eu à affronter les difficultés liées
aux perturbations engendrées par les travaux du tramway, les usagers réclament maintenant des
lignes supplémentaires.
Le site propre
Pour qu’un bus soit « à haut niveau de service », encore faut-il qu’il soit continuellement en
site propre. Le sera-t-il dans l’aire toulonnaise ? La largeur nécessaire pour que deux bus puissent
circuler est de 6,50 à 7 mètres. La largeur expropriée pour le tramway est de 6 mètres. Envisage-t'on d’exproprier à nouveau, en particulier dans la traversée de La Valette Sud, dans celle de Saint-
Jean du Var, demain au Pont-du-Las ? A l’évidence, non.
Ce qui vous est proposé, c’est un bus qui, sur une grande partie de son parcours, sera noyé
dans la circulation générale. Il ne sera pas « à haut niveau de service », il se déplacera un peu mieux que les bus actuels avec une vitesse légèrement supérieure. Ce n’est pas un TCSP, et tout
cela pour 340 millions d’euros, 900 terrains achetés, 80 familles déménagées !
La vie économique
Les élus l'avaient déjà bien compris en imposant aux entreprises un versement transport
pour la construction du tramway. Ailleurs en France, les commerçants, après la phase de travaux
donnant lieu à indemnisation, ont constaté le retour des clients vers les centres villes et une
amélioration de leur chiffre d’affaires. Les bénéfices durables qu’en retire l’agglomération compensent alors largement les désagréments passagers des travaux. Inversement, combien
coûterait à l’aire toulonnaise l’absence de tramway ?
Ce ne sont là que quelques-uns des aspects économiques qui plaident en faveur du
tramway. On peut se demander pourquoi à ce jour, 26 agglomérations françaises dont,
forcément beaucoup sont d’une taille inférieure à la nôtre, ont choisi ce type de transport. Tous leurs élus, n’ont-ils pas le souci d’adopter des solutions de progrès ? Nice, 1 ligne et 2 autres en préparation, Bordeaux, 3 lignes (construites en même temps) et 1 autre en préparation ;
Strasbourg, 5 lignes ; Grenoble, 4 lignes ; Montpellier, 2 lignes et 2 autres en préparation ; Rouen,
2 lignes ; Marseille, 2 lignes ; Mulhouse, 2 lignes, etc.
Et si certaines villes adoptent le BHNS, c’est seulement en complément de lignes ferrées
existantes ; ou alors il s’agit d’agglomérations beaucoup plus petites que la nôtre (La Rochelle,
Bayonne, Perpignan...). L’agglomération toulonnaise peut-elle donner le mauvais exemple sur
lequel, au demeurant, il y a de fortes chances que les élus soient obligés de revenir plus tard pour
se tourner vers le tramway ? Ce serait alors un gaspillage des deniers publics, en même temps
qu’une très lourde responsabilité.
La pollution
L’agglomération toulonnaise, d’après des mesures scientifiques, connaît de nombreux jours
de pollution, et celle-ci résulte en très grande partie de la circulation automobile. Pour certains, la
faute incomberait à l’étang de Berre dont le nuage aurait la bonté d’épargner toutes les cités qui
nous en séparent, mais viendrait se poser sournoisement sur Toulon. Comment expliquer alors
que la zone la plus polluée soit celle du boulevard de Strasbourg ? Or, un BHNS ne saurait en rien
diminuer la pollution puisqu’il fonctionne essentiellement au diesel. A ce jour, aucun constructeur
n’a pu concevoir des batteries suffisamment performantes pour équiper un gros autobus. Parier
sur un hypothétique BHNS électrique est donc tout à fait aventureux.
La conclusion
Dans quelques temps, vous aurez à choisir non pas entre deux solutions équivalentes, mais
entre :
· Le tramway : véritable axe lourd irriguant l’agglomération d’est en ouest, de La Garde à
La Seyne, remplaçant utilement les bus sur l’axe le plus chargé ;
· Le BHNS : avant tout un autobus. Aussi coûteux à terme qu'un tramway, plus
encombrant et de capacité insuffisante, il sera sur une grande partie du parcours noyé
dans la circulation générale. Ainsi, sa vitesse et sa régularité seront nettement
moindres que celles d’un tramway. Il ne permettra pas de supprimer toutes les autres lignes de bus de l’axe central où il roulera dans les couloirs actuels déjà saturés ! C’est au mieux une amélioration de la ligne n° 1 du Réseau Mistral, peu de résultats pour 340 millions d'euros !
Le choix qu’il vous est demandé de faire, c’est un choix entre un vrai TCSP et … presque
rien de nouveau. C’est un projet d’intérêt commun majeur pour l’agglomération. C’est pourquoi nous vous demandons de faire un choix de bon père de famille, pour l'avenir de notre agglomération et des générations futures.
En vous remerciant de l’attention que vous aurez bien voulu porter à la présente, nous souhaitons que vous fassiez le choix de la modernité et de l’avenir.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Pour le Collectif Tramway *
Le Président
Jean-François GUYÉTAND
* dont plusieurs associations :
Toulon@Venir, Toulon Var Déplacements, Fédération Nationale des Associations des
Usagers des Transports Paca, Association Hyéroise pour le Transport Ferroviaire et des Comités
d’Intérêts Locaux de l’agglomération TPM
* C.E.R.T.U = Au sein du Ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du
Logement, le Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques est chargé de conduire des études dans le domaine des réseaux urbains, des transports, de l’urbanisme et des constructions publiques, pour le compte de l’État ou au bénéfice des collectivités locales, établissements
publics ou entreprises chargés de missions de service public ou des professions en cause (décret n° 94 -134 du 9 février 1994).
Vous pouvez voir le site et la pétition en ligne (plus de 9000 signatures à ce jour) : http://www.tramwaytoulon.com