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LA VOIX DE NOSTERPACA

4éme paquet ferroviaire européen : lettre ouverte aux députés européens

20 Mars 2013 , Rédigé par nosterpaca Publié dans #DOCUMENT

Dans un courrier "lettre ouverte" datée du 6 mars 2013, les cheminots communistes de la SNCF s'adressent aux députés européens.

 

Madame la Députée, Monsieur le Député,

Le 30janvier dernier, la Commission européenne a adopté un vaste paquet de mesures, communément appelé «4éme paquet ferroviaire».

D’inspiration néolibérale, il a pour objectif affiché de pousser encore plus loin la libéralisation du secteur ferroviaire. Il aura pour conséquence de démanteler ce qui reste de l’organisation historique des chemins de fer.

Le Commissaire européen aux transports, Monsieur Sim Kallas, membre de l’Internationale libérale dont l’un des présidents fut Monsieur Frits Bolkestein, précise dans le mémo 13/45 de la Commission, l’objectif central de ce 4éme paquet ferroviaire :

«faire gagner du temps et de l’argent aux entreprises».

A aucun moment, il ne parle d’aménagement du territoire, de cohésion sociale, de service public, de report modal en faveur du rail. Il n’évoque pas plus l’enjeu de la multimodalité ou de la concurrence déloyale intermodale…

Ainsi, malgré le prétexte d’amélioration de la qualité des services ferroviaires en Europe et de diversification de l’offre énoncée par la communication de la Commission elle‐même, l’objectif est clair : favoriser le business et répondre à des intérêts privés.

La Commission de Bruxelles propose d’installer de nouveaux opérateurs avec du matériel roulant et des infrastructures ne leur appartenant pas et dans lesquels ils n’investissent rien. En quelque sorte, on privatise les profits et on socialise les pertes !

L’entêtement idéologique de la Commission à vouloir imposer une séparation intégrale entre la gestion de l’infrastructure et l’exploitation ne tient aucun compte des expériences engagées.

Là où cette organisation est mise en œuvre, elle se traduit par plus de complexité dans les procédures, une rigidification du fonctionnement par l’absence de transversalité, de réactivité, de synergies et de mutualisation des moyens. La chaîne de sécurité est fragilisée avec la multiplication des intervenants et des structures.

Les faits sont là : la sécurité est garantie à un niveau bien plus élevé si une entreprise ferroviaire dispose de la responsabilité de l’ensemble du système. La désintégration des chemins de fer britanniques dans les années 90 et les conséquences dramatiques qui en ont résulté sont sans appel !

Nous vous invitons à prendre connaissance du rapport rendu au Royaume--‐Uni en 2011 par Sir Marc Multy sur le fonctionnement effectif du système ferroviaire britannique et singulièrement de ses conclusions : «la fragmentation des structures et les interfaces constituent un des principaux obstacles à l’efficacité du système». Sir Marc Multy va jusqu’à envisager « une complète intégration dans une concession portant à la fois sur la gestion de l’infrastructure et l’opération des trains».

Cette prise de position, véritable plaidoyer pour le maintien d’un système ferroviaire intégré, rejoint le bilan tiré par le Conseil Supérieur du Service Public Ferroviaire en 2001 sur la réforme de 1997 en France. Selon ce bilan « la création de RFF a affecté l’efficacité technique et organisationnelle du système ferroviaire français», position aujourd’hui largement partagée.

En votre qualité de Député-e européen-ne, vous aurez un choix à faire, un véritable choix de société, lorsque le 4éme paquet ferroviaire viendra en débat au Parlement européen.

L’enjeu de la séparation, ou plus exactement de l’atomisation du système ferroviaire, en constitue un élément principal. Par expérience, nous savons que les lobbies qui agissent pour la concurrence, la libéralisation, la déréglementation, ont pour objectif de permettre à des intérêts privés, par le biais de nouveaux entrants, de faire du business sur le rail en se focalisant sur les relations financièrement les plus rentables.

Avec cette démarche, ils considèrent aussi que les impératifs liés à la sécurité ferroviaire sont trop contraignants car ils freinent les profits ! Si on les laisse faire, si vous leur permettez d’aller plus loin, la sécurité ferroviaire deviendra rapidement une variable d’ajustement des politiques de libéralisation.

C’est pourquoi les préconisations de la Commission européenne relative à l’Agence Européenne du Rail (ERA) nous inquiètent. En effet, cette dernière verrait ses prérogatives modifiées. L’Agence deviendrait un guichet unique qui aurait pour fonction essentielle de faciliter l’entrée de nouveaux opérateurs.

Pour notre part, nous considérons que l’Agence doit se concentrer prioritairement sur l’application et le contrôle des règles de sécurité à tous les opérateurs. Elle doit aussi s’assurer de la mise en place de normes de travail de haut niveau privilégiant la santé et la sécurité des salariés.

Il faut choisir : soit on veut maintenir et moderniser le système ferroviaire pour qu’il soit fiable et sûr, pour qu’il réponde mieux aux besoins de transport et à ceux des usagers ; soit on opte pour un chemin de fer low- cost, fragilisé, au service d’intérêts privés, ayant pour seule boussole la rentabilité financière ! Comment comprendre et accepter l’acharnement dogmatique des ultralibéraux de Bruxelles qui entendent imposer en 2019 l’ouverture à la concurrence de tous les trafics ferroviaires, quand on voit le bilan catastrophique de l’ouverture à la concurrence privée depuis 2006 de l’activité fret de la SNCF ?

Les conséquences de cette politique vous les connaissez : en France la part du transport ferroviaire marchandise a chuté. Alors que tous s’accordent pour dire qu’il est impératif de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), c’est un véritable scandale ! Avec 26 % des émissions de GES en 2010, les transports constituent la principale activité émettrice. Les émissions des transports sont en hausse de 13 % entre 1990 et 2010. La route génère 93% des GES produits par ce secteur. Quand on sait que les émissions de CO2 par trajet sont de 150g/km pour les voitures individuelles, de 66,7 g/km par voyageur utilisant le bus, de 2 g/km par voyageur utilisant le train, il est impératif de favoriser les modes alternatifs à la route, dans une conception multimodale et intégrée, en s’appuyant sur les entreprises ferroviaires historiques.

Avec le 4éme paquet ferroviaire les appels d’offres deviendraient une obligation pour les transports ferroviaires régionaux de voyageurs !

À quels besoins cette stratégie répond-elle ?

Certainement pas aux intérêts des usagers, ni à ceux des collectivités territoriales. Pourquoi casser les TER ? Globalement ils fonctionnent bien malgré le désengagement continu de l’État et le fait que la SNCF semble maintenant développer la route au détriment du rail.

Ce questionnement est d’autant plus important quand on sait que la décentralisation expérimentée en 1997 sous l’impulsion d’un ministre communiste des transports, a porté ses fruits. Depuis 2002, l’action conjointe des Régions, du service public SNCF et des cheminots à statut, a contribué à rénover 98 % des gares et des haltes, à renouveler 83% du parc de matériel, à créer de nouveaux ateliers de maintenance des trains régionaux.

Cela a permis d’augmenter le trafic de voyageurs de 40 % et l’offre de 30 % en 10 ans !

Vous l’avez compris, Madame la Députée, Monsieur le Député, nous vous demandons de voter contre ce 4éme paquet ferroviaire.

Nous vous invitons aussi à vous joindre à l’action des députés européens de la gauche unie européenne (GUE) pour exiger la mise en œuvre d’un moratoire sur le démantèlement des entreprises publiques de chemin de fer.

Dans le même ordre d’idées, il est urgent qu’il soit procédé à une évaluation contradictoire portant sur les conséquences de la libéralisation engagée dans le secteur ferroviaire. De nombreux points doivent être expertisés : technique, organisationnel, social, juridique. La sécurité, les missions de service public, les tarifs, l’environnement, l’aménagement du territoire doivent aussi être évalués…

Ce bilan est d’autant plus justifié que le résultat de ces politiques libérales est loin des ambitions affichées par leurs concepteurs à savoir le développement du rail. Aujourd’hui, alors que les besoins de transports augmentent, on transporte en Europe moins de marchandises par train qu’il y a 20 ans et le trafic voyageurs stagne voire régresse.

Les cheminots, avec leurs syndicats, n’ont eu de cesse ces dernières années, de combattre les politiques de libéralisation du rail. Nul doute, Madame la Députée, Monsieur le député, qu’ils seront attentifs au vote que vous émettrez au Parlement européen à propos du 4éme paquet ferroviaire.

Dans l’attente de connaître votre positionnement et les raisons qui le sous-tende, nous vous assurons, Madame la Députée, Monsieur le Député, de notre vigilance active et de notre disponibilité à participer à toute action permettant de mettre en échec les politiques de casse des services publics ferroviaires.

 

Commentaires NOSTERPACA : notre association partage une bonne partie de cette analyse. En particulier, nous réclamons qu'un bilan économique soit  réalisé sur les conséquences de la déconstruction de l'outil historique. Dommage que le réflexe partisan reprenne le dessus pour glorifier une décentralisation qui a certes permis des évolutions positives mais qui a participé également à l'enterrement de notre regrettée SNCF.

 

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