Lignes ferroviaires des Alpes du sud à la recherche du Graal
Géographie
Les Alpes du sud constitue un réseau à part entière de plus de 500 km et comporte à ce jour cinq lignes dont trois sont exploitées, une en attente de réparation et une qui est inerte depuis bientôt 35 ans.
Elles constitue un tout difficilement dissociable d’un point de vue géopolitique et économique.
En ce sens, on peut trouver un apparentement avec la situation des Grison, en Suisse, où le réseau du RHB comporte plus de 300 km de lignes de montagne dans une zone hier déshéritée et qui aujourd’hui est devenue un exemple pour le monde entier.
Il aura fallu près de 60 années de coopération et de financements des collectivités pour arriver à ce résultat. Le lien suivant donne une bonne idée du résultat et de l’impact économique aujourd’hui :
Constat de faiblesses.
Le réseau des Alpes du sud n’est pas une mince affaire.
Contrairement à d’autres régions de France, nous sommes ici dans un relief difficile qui n’a rien de commun avec la Picardie (par exemple).
La construction des lignes de chemins de fer fut un exploit à plusieurs titres.
Ceci-dit, et sans revenir sur l’Histoire, l’ensemble des équipements ont aujourd’hui plus de 150 ans (ou presque).
Cette réalité induit des besoins de maintenance au fil de l’eau et donc un coût qui, si on le regarde de près, est bien moindre que celui des chaussées et des ouvrages routiers de même âge. Mais là n’est pas le débat.
L’État, propriétaire, a pu se débarrasser d’une des lignes (Digne-Nice) auprès de la Région. Il est, encore aujourd’hui, propriétaire des autres voies ferrées et du domaine ferroviaire qui constitue le réseau alpin. C’est de ces dernières qu’il est question dans ce qui suit.
On constate que, devant les réductions budgétaires liées au choix d’une logistique foncièrement routière, les lignes de chemin de fer sont sacrifiées au fil de l’eau depuis plus de 40 ans.
Si une voie ferrée en bon état vit sans grand entretien durant une cinquantaine d’année, nous arrivons dans une période de renouvellement un peu partout.
Au-delà des besoins financiers qui peuvent être l’objet de concertations avec des Régions « volontaires », l’État se trouve dans une situation où, suite aux mandats donnés à SNCF Réseau, cette société de la holding SNCF ne parvient pas à consommer ses budgets et pourtant les devis augmentent fortement pour des raisons obscures.
Comment faire l’entretien courant et les travaux quant durant les 10 dernières années, SNCF Réseau a restructuré les équipes sur le terrain à un point tel que pour un simple filet de détection de chute de rochers, la SNCF met en place une limitation de vitesse à 10 Km/h pendant plus d’un mois pour ne pas fermer la ligne.
Dans un secteur comme les Alpes, la présence humaine reste nécessaire et on ne peut imaginer des interventions commandées de Marseille ou Lyon dès lors qu’il y a une nécessité de continuité de service.
Le sujet concerne toutes les sociétés de la Holding SNCF qui agissent sur ces lignes.
Ainsi pour les TER, par absence de réserve de matériel, les trains sont supprimés,
par manque de personnel apte à effectuer les opérations de croisement (et fermeture de gare de croisement) lors de dysfonctionnements variés, les trains augmentent leur retard,
par manque de formation les conducteurs de Veynes ne peuvent plus conduire tout types de matériel et ainsi rattraper certains aléas de service.
Pour une structure qui requière une organisation « industrielle » et collective, la séparation des ressources humaines avec une affectation dans différentes sociétés de la holding, mets à mal la nécessaire synergie des moyens affectés au système ferroviaire sud Alpin.
On n’explique pas non plus pourquoi, à certaines périodes, les TER sont indisponibles à la vente et présentés comme « complets », alors qu’il y a encore de la place dans les voitures !
On ne comprend pas, non plus, pourquoi sur un voyage de Paris à Embrun, on vous vend du TGV via Aix, occasionnant de surcroit un parcours en car avec correspondance à Gap !
Le train de nuit, figure emblématique de la vallée où, il y a moins de 10 ans existait une offre de loisir renforcée au moment des pointes hivernales et estivales (jusqu’à 800 places en plus du train quotidien), SNCF Voyage en est à affréter des cars au moindre problème. Il offre désormais un voyage «surprise» où, à 9H du matin vous vous réveillez à Veynes ou à Valence au lieu de Briançon.
Les suspensions de la circulation de trains et la diminution de l’offre sur Grenoble-Veynes, aujourd’hui quasiment sans correspondance à Veynes, viennent terminer ce tableau peu flatteur.
L’offre de transport devient pathétique. La fréquence et les correspondances avec le système routier sont erratiques ; le système routier étant conçu comme une concurrence et non comme un système complémentaire.
Bref, cela val mal et cela ne va pas s’arranger rapidement.
La lente descente aux enfers est le fait de plusieurs facteurs.
Le premier est le dogme du tout routier qui a fait passer au second plan ce que l’on appelait «la continuité de service ».
Après on peut citer la désorganisation du système ferroviaire vu depuis le lobe des Politiques.
Politiques qui ont imposé cette désorganisation par voie de lois entre 1997 et 2010, à une SNCF jugée trop puissante. Le dernier acte législatif datant de moins de deux étant dans la lignée des précédents.
La mise sous tutelle de SNCF Réseau par le ministère des finances n’en est que la conséquence.
On peut craindre pour la réindustrialisation de la France, vu comment « l’industrie » de réseau qu’est le chemin de fer a été démembrée ces dernières années.
Comment croire que l’organisation en « tuyaux » (par différentes sociétés) est une réussite économique ?
Les lignes des Alpes du sud sont un tout. Morceler les services, les responsabilités, avec des cadres délocalisés qui mettent parfois plus de deux heures pour pouvoir intervenir dans ce secteur, est un non-sens.
Devoir se mettre en « visio » à trois ou quatre dirigeants à distance pour comprendre et agir sans perception réelle des réalités du terrain montre à quel point la SNCF a perdu la « polyvalence » qui faisait la richesse de son fonctionnement et de ses personnels il y a peu.
Bref, la Région en qualité de responsable qui assure la jonction avec les citoyens, n’imaginait surement pas cela lorsqu’elle a signé ses contrats de plans.
Certaines Régions ont pris la mesure et sont à la pêche de consensus financiers en permanence (Occitanie) afin de maintenir et utiliser l’ « outil » au mieux.
D’autres n’ont de cesse de chercher des économies absolument, là où de toute façon, l’offre a un coût que l’on ne peut éluder.
La tentation est forte d’entrer dans une démarche de remise en cause de l’équilibre des territoires.
Que dire aujourd’hui ?
Qu’il faut de l’argent mais pas que.
Il faut un vrai contrat d’objectif avec des droits et des obligations. Il y a urgence à remettre en fonction un chemin de fer qui marche et profite aux territoires !
Cela se négocie en ce moment et les décisions qui vont être prises sont essentielles vu l’évolution de la situation (pollution, crise énergétique, carence en eau).
Alors, pourquoi ne pas s’inspirer de la politique qui a vue le jour voici 60 ans dans les Grison, en Suisse ? Il faut une ambition pour l’avenir et l’avenir n’est plus seulement sur la route pour le désenclavement des Alpes du sud.
Article rédigé par Michel Vuillermoz, référent NOSTERPACA sur les départements 04/05. Si vous avez besoin de précisions, n'hésitez pas à lui adresser vos questions via nosterpaca@gmail.com.