Un nouveau ministre délégué aux Transports
Vu sur le site de 20 Minutes
Clément Beaune a été nommé lundi ministre délégué aux Transports, il quitte les Affaires européennes quelques jours après la fin de la présidence française de l'UE.
Aux Transports, il restera toutefois confronté aux joutes européennes où se décident nombre de dossiers liés aux mobilités, notamment pour le financement des infrastructures.
Clément Beaune devra également mettre en œuvre les plans pour décarboner la route, l’aérien et le maritime, se pencher sur l’avenir des concessions autoroutières ou trouver des moyens pour moderniser le réseau ferré.
Un avis éclairé, celui de Gilles DANSART, directeur de Mobilettre :
A la mesure de la satisfaction des professionnels du secteur qui retrouvent un ministre délégué aux Transports, nous allons nous aussi céder au soulagement, à notre manière: la nomination de Clément Beaune se présente sous les meilleurs… auspices. Voilà, c’est fait, mais ce n’est pas qu’un jeu de mots d’un travailleur de juillet attendant avec impatience la libération du mois d’août: Clément Beaune, c’est a minima l’assurance d’un pilotage sérieux du ministère.
C’est déjà ça, dirons-nous, la fin annoncée des amateurs, d’une période à vite oublier où quelques conseillers talentueux et fonctionnaires résilients ont sauvé le ministère Djebbari du complet désastre. Être ministre des Transports, on l’oublie trop souvent à l’époque obsessionnelle des coups médiatiques, c’est aussi diriger une grande administration (actuellement en grave manque de repères), être un interlocuteur crédible pour les professionnels du secteur (et notamment les entreprises publiques dont il faudra assurer une meilleure co-tutelle avec Bercy), peser dans les arbitrages interministériels. Un travail de l’ombre dont on souhaite que le déjà expérimenté Clément Beaune s’acquitte avec constance, assisté de collaborateurs de qualité.
On l’a vu à l’œuvre lors du sommet ferroviaire européen du mois de février, à Saint-Denis: un remarquable discours, relevé à l’époque par Mobilettre, prononcé de façon tout aussi intelligente. Clément Beaune avait-il déjà en tête de s’investir dans une matière ministérielle aussi consistante que parfois ingrate – et moins prestigieuse que l’Europe? Oui, selon nos informations, il avait entendu la recommandation de ses amis de migrer vers les transports, où il pourra faire montre d’autres talents que la diplomatie et la rhétorique. Rester à Bruxelles après la PFUE, ç’aurait été un peu comme courir le criterium du Cantal après avoir bouclé le Tour de France.
Au demeurant, Clément Beaune est un macronien un peu à part, et pas seulement parce qu’il peut revendiquer, lui, une vraie relation de confiance avec le Président de la République. Intransigeant avec le Rassemblement national quand nombre de ses camarades n’eurent aucune vergogne à appeler au Front républicain puis à l’abandonner pour contrer Nupes et garder la majorité aux législatives; capable d’une vraie campagne électorale de proximité dans une difficile circonscription du XIè arrondissement de Paris, quand d’autres s’en remettaient à la seule diabolisation de Mélenchon. La politique, ce sont aussi des valeurs et du savoir-faire.
Une fois qu’on a proféré de tels compliments, revenons aux déterminismes politiques: que pourra vraiment faire Clément Beaune aux Transports quand la trajectoire engagée est pour l’instant si restrictive? De l’huile dans les rouages, c’est bien, mais si le moteur n’est pas davantage alimenté, c’est fatalement déceptif. En l’occurrence, l’absence de tout programme transports à LREM aussi bien pour la présidentielle que pour les législatives, à l’exception de l’horizon fantasmé et démagogique de la voiture électrique pour tous, résonne encore durement aux oreilles du secteur comme de nos concitoyens. Si l’on ne considère que le seul ferroviaire (mais on pourrait l’élargir sans difficulté au transport collectif dans son ensemble), la trajectoire malthusienne du gouvernement est scandaleuse au regard des proclamations écologiques et d’une comparaison basique avec les efforts de nos voisins, que Clément Beaune connaît bien. L’abandon programmé d’une partie du réseau, au profit d’une vision récurrente limitée à la grande vitesse et au mass transit, est définitivement anachronique.
Après une remise en ordre du ministère des Transports, qui perd depuis trop longtemps trop d’arbitrages et d’influence, il va donc falloir redéfinir une politique des mobilités, a fortiori au début d’un quinquennat de tous les dangers. Pas simple, d’autant que l’actuelle locataire de Matignon s’est contentée de faire dans la boîte à outils lors de son passage à Roquelaure, une sorte de compromis mollasson entre l’obsession libérale de l’équipe Philippe et la nostalgie dirigiste d’une partie du secteur. Libéral de gauche, Clément Beaune pourra-t-il assumer un renforcement des investissements publics et une ouverture à la concurrence susceptible de doper les trafics? Son arrivée se fait sous une double pression. D’abord celle de salariés à la recherche légitime de meilleures rémunérations par temps d’inflation, dans tous les modes, sur fond de désaffection envers les métiers d’astreinte; ensuite celle de Français perturbés par la hausse du prix de l’essence, désappointés par le manque d’offres de places de trains depuis quelques mois et atterrés des effets mécaniques du yield management – contrairement à ce que proclame la SNCF, les voyageurs qui cherchent des places pour la semaine à venir ne sont pas tous des nantis que l’on peut plumer sans vergogne.
Pour faire bonne mesure, on va rajouter à la besace du nouveau locataire de Roquelaure quelques dossiers chauds d’infrastructures qu’il connaît déjà probablement vu leur dimension européenne, comme le Lyon-Turin, GPSO ou Roissy-Picardie, et la menace concrète sur les trafics des pénuries de recrutement dans les métiers de la conduite, et on aura campé le paysage d’un défi substantiel. Mais après tout, c’est ce que Clément Beaune semblait vouloir se coltiner, après un magistère réussi en matière diplomatique. Il est servi. G. D.