Modèle économique des transports publics
Un rapport confié à Monsieur DURON, relatif à l’avenir du modèle économique des transports publics a été remis le 13 juillet au gouvernement. En voici le résumé présenté par son auteur :
La mission qui m’a été confiée par le ministre délégué chargé des transports porte sur l’analyse des conséquences de la crise du COVID sur les transports publics. Son objet, relatif initialement aux transports en commun urbains en région, a été élargi en Janvier 2021 aux transports, notamment ferroviaires, sous la responsabilité des Régions. Il s’agissait d’examiner aussi précisément que possible les impacts à court terme (2020 et 2021) de l’épidémie, et notamment de vérifier le caractère approprié des mesures de soutien qui ont été prises, et, en se projetant sur l’avenir, de proposer des mesures propres à consolider leur modèle économique, dans un contexte d’incertitude sur les comportements de mobilité. Pour la réaliser, j’ai procédé, avec le soutien d’une équipe de rapporteurs du CGEDD et de la DGITM, à un grand nombre d’auditions – élus, responsables de réseaux de transports publics et opérateurs, mais également ministères, autorités des transports à la commission européenne et dans plusieurs pays européens, responsables économiques et associatifs. Nous avons également consulté le milieu de la recherche et des études de l’économie, de la sociologie et de la géographie des transports, ainsi que de l’observation de leur marché, notamment dans le cadre d’un séminaire, tenu en avril, que nous avons organisé.
La crise sanitaire a eu un impact très important sur le trafic en 2020, avec une baisse de 31% pour les TC urbains, gérés par les autorités organisatrices de mobilité (AOM) et de plus de 40% pour les AOM régionales (AOMR) qui gèrent les TER, cassant pour ces derniers une dynamique de forte croissance. Après un début d’année très difficile, les réseaux prévoient pour 2021 un retour de la demande compris entre 70 et 80% du niveau atteint en 2019, sauf nouvelle reprise épidémique. L’évolution future reste incertaine, mais les tendances à court et moyen termes sont défavorables à un retour à la situation antérieure, notamment pour les déplacements domicile travail remplacés partiellement par le télétravail. Les recettes ont été affectées dans une moindre mesure en 2020 pour les AOM : les recettes tarifaires ont baissé de 27% et le produit du versement mobilité (VM) de moins de 5%, mais les coûts diminuant peu (offre préservée à 90%), les pertes se sont creusées, avec un impact financier tempéré par les aides de l’Etat (avances remboursables et compensation des pertes de VM). Pour 2021, compte tenu d’impacts financiers prévisibles qui devraient rester significatifs, nous recommandons le maintien du dispositif de soutien, sous une forme revue : poursuite du « filet de sécurité » aux collectivités en matière de ressources fiscales et domaniales, maintien du dispositif d’avances remboursables pour les pertes directes, éventuellement remplacé en partie par des aides directes. Les AOMR ont été encore plus affectées, avec une baisse en 2020 de 43% des recettes commerciales, soit 550 M€, notamment sur le segment le plus rémunérateur (voyageurs occasionnels), la baisse des coûts (notamment péages d’infrastructure) étant beaucoup plus faible du fait du maintien de la plus grande partie de l’offre : le solde net en résultant est une perte de 300 M€ imputable à la crise. Les prévisions pour 2021 restent pessimistes (baisse de 27% des recettes commerciales) et un important déficit d’exploitation est anticipé (350 M€ pour les seuls TER et 60 M€ pour les transports interurbains et scolaires).
C’est pourquoi nous recommandons la mise en place d’un dispositif d’avances remboursables pour les AOM régionales, éventuellement mixées avec des aides directes, pour compenser la perte de recettes commerciales, sous réserve de l’engagement de maintenir un niveau d’investissements élevé. Il faut noter que la plupart des pays européens ont mis en place des dispositifs de soutien des transports publics, avec pour 2020 un soutien à près de 100% des pertes de recettes dans des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark, avec des engagements similaires pour 2021. A plus long terme, il convient de renforcer le modèle économique des transports publics de manière pérenne, ce qui passe en premier lieu par un effort d’adaptation des Autorités organisatrices, mais également par une consolidation et une diversification de leurs ressources, de façon à mettre en œuvre une forte ambition d’investissements de nature à renforcer leur attractivité et accélérer la décarbonation du secteur. Il faut en premier lieu adapter l’offre aux nouveaux comportements de mobilité, comme ceux induits par le télétravail et les relocalisations de domicile, tout en la rationalisant et en augmentant ses performances : la mission propose de nombreuses pistes portant sur les vitesses commerciales, l’enchainement des modes (modes doux et transports à la demande, articulés avec les transports collectifs) ou le cadencement, pistes qui devraient faire l’objet, avec l’évolution des mobilités, d’efforts de recherches et d’études.
Les besoins d’investissements sont très importants : ils ont par exemple été évalués à près de 20 Mds € pour 36 AOM représentant 25% de la population citadine (dont les plus grandes agglomérations). Une charge importante est à prévoir au cours des prochaines années au titre de la décarbonation des flottes d’autobus, le recours au bio gaz avant l’électrification complète à plus long terme étant une solution de transition que la mission recommande d’approfondir. Les besoins sont également considérables pour les AOMR qui auront notamment à se concerter avec SNCF Réseau sur l’indispensable remise en état et modernisation du réseau emprunté par les TER ainsi que sur des projets de développement comme les services express métropolitains dans les « étoiles ferroviaires ». La proposition, faite par la Région Grand Est, de s’engager dans un financement accru de l’infrastructure (au moyen d’emprunts) en contrepartie d’une réduction des péages acquittés à SNCF Réseau pourrait faire l’objet d’un examen attentif. Le renforcement du modèle économique passe également par celui des ressources, en premier lieu celles apportées par les usagers eux-mêmes au moyen de la tarification, en stabilisant voire en inversant la tendance des dernières années à la diminution de leur part au financement des transports publics, sensiblement plus faible que dans les autres pays européens. Cette inflexion sera d’autant plus légitime et acceptée que la qualité du service sera améliorée, et qu’une régulation des transports individuels motorisés visant à décourager l’autosolisme et à s’assurer qu’ils couvrent de manière adéquate leurs coûts externes sera mise en place dans le même temps. Le versement mobilité est une ressource stable, comme la crise l’a montré, que la mission recommande de pérenniser. Sa place doit rester équilibrée par rapport aux ressources tarifaires, ce qui nous a conduit à proposer l’étude d’une limitation de son plafond pour les AOM qui ne font pas contribuer les usagers ou les AOM de plus de 200 000 habitants quand le ratio des recettes sur dépenses est inférieur à 30%.
En matière de fiscalité, un certain nombre de pistes méritent d’être explorées : baisser la TVA à taux réduit de 5,5% sur les services de transport conventionné régionaux et locaux sans exiger de contrepartie tarifaire, flécher une partie de la TICPE vers les AOM ou taxer les livraisons par exemple. Enfin, la gouvernance de la mobilité gagnerait à être rendue plus cohérente par un renforcement des coopérations, par exemple en conditionnant les aides d’État à l’inscription des projets soutenus à des contrats opérationnels de mobilité, en invitant les élus locaux à doter l’échelon intercommunal de la compétence voirie et à lui transférer le pouvoir de police. Un transfert aux AOM de la compétence de stationnement renforcerait également la cohérence de la politique de mobilité et il est recommandé d’en étudier la faisabilité et les conditions, notamment en ce qui concerne la compensation financière vis-à-vis des communes.
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