Développer l'usage du train, c'est pas gagné !
Le contrat de performance proposé par SNCF Réseau a été soumis à l’examen de l'Autorité de régulation des Transports (ART). Le document est en pièce jointe et son introduction développé ci-dessous.
Le journal "Boursorama" a publié la réaction de l'Autorité de Régulation des Transports (ART). La critique est sévère. Mais il serait peut-être judicieux de se poser quelques bonnes questions sur le manque d'ambition industrielle dénoncé par le président de l'ART. Par exemple, comment en sommes-nous arrivés à ce niveau de déconstruction de l'outil.
Car si effectivement les ambitions ne sont pas au rendez-vous, la responsabilité en est pour une part non négligeable à imputer aux politiques conduites depuis plusieurs décennies.
Introduction rapport SNCF Réseau
Les besoins de mobilité décarbonée conduisent à des attentes croissantes de la société vis-à-vis du mode ferroviaire. Ces attentes portent à la fois sur la fluidité des déplacements au sein des grandes métropoles françaises, la mobilité interurbaine, le fret ferroviaire, et l’accessibilité au ferroviaire dans tous les territoires.
Face à ces attentes, l’Europe et la France ont marqué leur volonté de soutenir le développement du mode ferroviaire. Le « European Green Deal » fait reposer une partie de la décarbonation de la mobilité sur l’augmentation des parts de marché du ferroviaire et l’intensification des trafics internationaux par train. En France, le soutien des pouvoirs publics au système ferroviaire, déjà important, a été renforcé. Cela s’est matérialisé par le Pacte ferroviaire de 2018, et notamment la reprise de 35 Md€ de dette de SNCF Réseau par l’État, ou encore par l’engagement conjoint de l’État et des Régions en faveur des lignes régionales dans le cadre du plan « petites lignes ».
Plus récemment, dans le contexte de la crise liée au COVID 19 puis du plan de relance de l’économie, un soutien au secteur ferroviaire de 4,7 Md€ a été engagé, dont 4,05 Md€ de recapitalisation au bénéfice des investissements dans le réseau ferré national propriété de l’État et géré par SNCF Réseau.
Ce soutien s’inscrit dans la stratégie publique de long terme de décarbonation de notre économie. Il témoigne aussi de la volonté de l’État d’accélérer la sortie de crise COVID par la relance de l’investissement.
Élaboré en application de la directive européenne 2012/34/UE et de l’article L. 2111-10 du code des transports, le présent contrat fixe les grands axes stratégiques poursuivis qui permettront le développement durable du mode ferroviaire, sur la base d’un modèle économique soutenable.
Cette stratégie et les orientations contenues dans le présent contrat visent à la fois :
– A augmenter la part modale du train en accroissant les trafics ferroviaires de voyageurs et de marchandises ;
– A maximiser les avantages socio-économiques qu‘offre le train : un haut niveau de sécurité, des gains de temps et des dessertes au cœur des villes, une faible empreinte écologique.
A cette fin, l’État et SNCF Réseau sont convenus du suivi des indicateurs suivants pour rendre compte de la performance générale attendue sur le réseau ferré national :
– Volume de circulations commerciales de trains de voyageurs ;
– Fréquence des accidents ferroviaires significatifs et des accidents avec arrêts de travail ;
– Émissions carbones dues aux matériaux dimensionnants de la voie.
La définition de ces indicateurs et leurs cibles d’objectifs figurent en annexe 1 du présent contrat.
Pour atteindre ces objectifs, SNCF Réseau et l’État veilleront conjointement à :
– L’amélioration de la qualité de service offerte à tous les clients ;
– La réalisation d’un effort durable de rénovation et de modernisation du réseau ;
– Un retour à l’équilibre des cash-flows assuré à partir de 2024.
Pour matérialiser leurs engagements réciproques, l’État et SNCF Réseau sont convenus de signer le présent contrat pluriannuel de performance pour la période de 2021 (inclus) à 2030 (inclus).
Ce contrat, signé pour une durée de 10 ans, a vocation à être actualisé tous les trois ans, à compter de son entrée en vigueur. Néanmoins, afin de tirer les conséquences de la crise sanitaire liée à la COVID-19, encore d’actualité lors de la signature du présent contrat, les parties conviennent de se réunir une fois le contexte économique stabilisé afin de convenir si les impacts non ou partiellement intégrés lors de la signature du contrat nécessitent d’actualiser la trajectoire de manière anticipée.
Ce contrat comporte des indicateurs assortis, le cas échéant, d’objectifs à atteindre par SNCF Réseau à l’horizon de la prochaine actualisation du contrat et au-delà, ces objectifs pouvant eux-mêmes être revus pour tenir compte des effets de la crise pandémique.
Ces orientations et priorités, ainsi que les indicateurs associés, constituent la base sur laquelle SNCF Réseau a bâti son projet stratégique d’entreprise à l’horizon 2030, tel que validé par son conseil d’administration le 18 décembre 2020.
Article Boursorama
Le patron de l'Autorité de régulation des transports (ART) déplore une "occasion manquée" dans la modernisation du réseau ferroviaire française, alors que l'Etat vient de reprendre 35 milliards d'euros de dettes à SNCF Réseau.
Le contrat de performance qui doit fixer la trajectoire de SNCF Réseau jusqu'en 2030 est "une occasion manquée" sans les moyens nécessaires pour augmenter la part du rail, a estimé mercredi le président de l'Autorité de régulation des transports (ART), Bernard Roman. Le document sous-titré "développer l'usage du train", actuellement en consultation avant une signature attendue au printemps, est "un contrat d'assainissement financier" conforme au plan de retour à l'équilibre de la SNCF, a noté Bernard Roman devant la commission de l'Aménagement du territoire du Sénat. "Pourquoi pas? Mais derrière cela il n'y a aucune ambition industrielle", a-t-il lancé, dénonçant "un contrat de performance qui est finalement le contraire d'une performance".
"C'est une occasion manquée" de lancer la modernisation du réseau pour "répondre aux enjeux environnementaux", alors que l’État vient de reprendre 35 milliards d'euros de dettes, ce qui fait économiser plus d'un milliard de frais financiers par an, a-t-il regretté.
Grand flou sur les recettes, les droits de passage en question
"Derrière les grandes ambitions affichées" par l'Etat et SNCF Réseau, "les moyens ne sont pas assurés", a-t-il poursuivi, évoquant "des situations industriellement pesantes pour l'avenir du réseau ferroviaire". Alors qu'il faudrait investir 3,4 milliards d'euros par an pour remettre le réseau à niveau, le contrat de performance n'en prévoit que 2,8 milliards, uniquement sur le réseau structurant. "Rien n'est prévu pour le reste", charge aux régions de s'arranger avec l'Etat, a-t-il relevé, raillant "la performance qui consiste à baisser le niveau" puisque de nombreuses lignes devraient se dégrader encore davantage.
Bernard Roman a parallèlement dénoncé l'absence d'investissements pour la modernisation du réseau, signalisation ou rationalisation des postes d'aiguillage. Le régulateur s'est aussi montré "très perplexe" sur la partie recettes, les ressources tirées des péages, les droits de passages, déjà les plus élevés d'Europe devant augmenter de 50%.
"S'ils (les péages) ne sont pas soutenables (pour les compagnies), l'ART ne les validera pas", a prévenu Bernard Roman, dénonçant encore une fois le "malthusianisme ferroviaire" qui consiste à faire circuler peu de trains, les plus remplis possibles, pour éviter de trop payer de péages. Il a enfin regretté "un manque d'indicateurs de performance industrielle" dans le contrat. Celui-ci ne propose d'ailleurs pas de "vision cible" pour la consistance du réseau, avec des indicateurs chiffrés, à horizon 2030. L'avis de l'ART n'est pas contraignant.
Dans un communiqué diffusé après l'audition de son président, l'ART se projette déjà à l'étape suivante: la prochaine actualisation du contrat prévue pour 2024. Elle espère que cette actualisation "(permettra) enfin, d'une part, de définir une vision-cible pour le réseau et une véritable trajectoire industrielle pour le gestionnaire d'infrastructure et d'autre part, de s'interroger sur les moyens mis à disposition de ce dernier pour assurer la pérennité de son outil industriel".
SNCF Réseau serait dans le cas contraire menacé d'"une spirale de paupérisation industrielle où le sous-investissement conduirait à une dégradation du réseau, qui entraînerait à son tour une attrition du trafic et des ressources du gestionnaire d’infrastructure". Le gouvernement a pour ambition de doubler la part du fret ferroviaire d'ici 2030 et le patron de la SNCF Jean-Pierre Farandou a affiché sa volonté de doubler celle du trafic passagers, ce qui exige un réseau performant.