Alors que 5 millions d’usagers empruntent chaque jour des trains affectés de retards récurrents, l’UFC-Que Choisir a réalisé un bilan de la pertinence de la politique publique d’investissement dans le réseau. Et le constat est alarmant : le réseau dégradé est confronté à des difficultés de financement et de gouvernance qui altèrent la qualité de service pour les consommateurs, particulièrement sur les petites lignes. En conséquence, l’UFC-Que Choisir demande une relance des investissements sur le réseau, une gouvernance à même d’encourager des gains de productivité et un soutien aux lignes de desserte fine du territoire, pour un réseau ferroviaire apte à répondre à la demande des usagers.
L’état du réseau pèse sur les performances offertes aux usagers
La dynamique de croissance de la fréquentation ferroviaire s’essouffle ces dernières années. Et pour cause, la politique d’investissement menée depuis le début des années 1980 a privilégié l’extension du réseau au détriment de l’entretien des infrastructures existantes. Au début des années 1980, 1 000 km de voies étaient renouvelés, moins de 500 km l’étaient en 2005, année où le signal d’alarme a été tiré. Le retard accumulé laisse un réseau vieillissant et fragile : en 2019, 23 % du réseau dépassait sa durée de vie optimale. Conséquence de cette dégradation, les ralentissements et les arrêts de circulation imposés allongent les temps de transport et pèsent sur la compétitivité du train par rapport à d’autres moyens de transport. Ainsi l’UFC-Que choisir estime qu’en 2018, les usagers ont perdu de l’ordre de 340 millions de minutes lors de leurs parcours en raison de défaillances d’infrastructures !
Au-delà de la qualité de service, le sous-investissement chronique affecte la performance du gestionnaire d’infrastructures, SNCF Réseau. La circulation d’un train en France demande 2,8 fois plus d’agents et 1,7 fois plus de capitaux que dans les pays voisins européens. Pour autant, cette sous-performance n’est pas justifiée par l’offre de service offerte aux usagers, altérée en fréquence et en amplitude horaire : la France propose, pour un même niveau de population desservie, 37 % moins de trains, sur une amplitude horaire atrophiée de deux heures. Face au retard pris par le gestionnaire dans le tournant des nouvelles technologies, il n’est pas surprenant que les gains de productivité et donc une offre satisfaisante se fassent attendre.
Un endettement qui déraille
Ce sous-investissement est la conséquence de l’équation budgétaire impossible à résoudre à laquelle est confrontée SNCF Réseau : ses recettes ajoutées aux contributions publiques ne couvrent pas ses besoins d’investissements et ses coûts d’exploitation. Face à un soutien public insuffisant, le déséquilibre se solde par un recours à la dette : elle dépassait les 38 Md€ fin 2020. Cette situation est appelée à se poursuivre à moins de proposer une véritable politique de long terme.
La gestion des investissements réclame également une gouvernance solide qui n’est pas au rendez-vous. L’actuel contrat qui lie SNCF Réseau à l’État souffre de failles de conception, d’exécution et de pilotage : des indicateurs opérationnels en construction (dont la productivité de l’entretien) ou en deçà des attentes (dont la longueur des voies soumises à un ralentissement), une trajectoire financière irréaliste, l’absence de mécanismes incitatifs propres à responsabiliser le gestionnaire ou de leviers correctifs… Ces manquements, pointés de longue date par l’Autorité de la régulation des transports, nuisent au bon fonctionnement du système ferroviaire.
Les petites lignes, laissées sur le quai
Parents pauvres du réseau, les petites lignes concentrent les difficultés rencontrées. Leur entretien et leur renouvellement requièrent des efforts massifs, 6,4 Md€ entre 2020 et 2028. Longtemps délaissées, elles regroupent 70 % des sections de voies ralenties, soit 22 % de leur longueur. La vétusté des infrastructures pèse ainsi sur la qualité de service, ce qui accélère la désaffection des usagers au profit de la voiture, et enclenche un cercle vicieux d’abandon du train.
La question de l’efficacité et du dimensionnement du réseau est donc posée. Peu circulées aujourd’hui, la tentation de fermer les lignes de desserte fine est forte, une menace qui pèse sur près de 40 % de ce réseau secondaire. Mais cette décision serait difficilement réversible alors même que les petites lignes posent un véritable enjeu de connexion et de désenclavement des territoires, surtout à l’heure où la priorité est à la décarbonation des transports. Et l’enjeu est de taille, le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France.
Compte tenu des constats dressés, l’UFC-Que Choisir, soucieuse de préserver un ferroviaire à la hauteur des attentes des consommateurs et attachée à un réseau de desserte fine du territoire, adresse aux pouvoirs publics les demandes suivantes :
- Augmenter leur soutien financier à SNCF Réseau pour garantir les investissements nécessaires à la rénovation et à la modernisation du réseau.
- Imposer à SNCF Réseau des critères de performance et des mécanismes réellement incitatifs et crédibles en cas de non-respect de ces derniers.
- Maintenir les lignes de desserte fine dès lors qu’elles répondent à une demande des autorités régionales ou des usagers.