Railcoop se lance
Des trains dès 2022 : La première coopérative du rail se lance à grande vitesse
Créée il y a six mois, Railcoop, entreprise ferroviaire, basée à Figeac (Lot), proposera d’ici mi-2022 des trains complémentaires à ceux proposés sur le réseau SNCF existant. Pour mieux desservir les territoires.
Quand les habitants mettent les mains dans le cambouis… Association de préfiguration le 20 avril 2019, transformation en coopérative, à Figeac (Lot), le 30 novembre suivant, 400 sociétaires qui ont versé au moins 100 € chacun : depuis six mois, Railcoop, la première coopérative ferroviaire de France, se développe à grande vitesse. « Notre ambition est de développer une offre de transport ferroviaire innovante et adaptée aux besoins de tous les territoires.
Concrètement, Railcoop fera rouler ses propres trains dès 2022″, explique Nicolas Debaisieux, le DG de l’entreprise. Railcoop a été « incubé » par Catalis Alter’Incub, un incubateur d’innovation sociale, qui lance son 6e appel à projets (1).
Objectif : 3 000 sociétaires d’ici fin 2020
Nicolas Debaisieux confie encore : « Nous avons trois profils-types de sociétaires : des gens attachés à l’économie sociale et solidaire, ceux qui sont des cheminots ou ex-agents de la SNCF et des gens engagés dans la transition écologique. Notre but est d’avoir quelque 3 000 sociétaires d’ici la fin de l’année 2020. »
Cette entreprise s’inscrit dans un contexte d’ouverture à la concurrence et de lutte contre le réchauffement climatique.
« Le train est un maillon essentiel de la transition écologique, rappelle la scoop. Le transport de voyageurs par rail nécessite moins d’un douzième de l’énergie requise pour déplacer une personne ou une tonne de marchandise par la route.
Développer le ferroviaire, c’est aussi, indirectement, protéger la biodiversité, freiner l’artificialisation des terres et donc préserver nos territoires.
Nicolas Debaisieux, DG de Railcoop
Le train consomme moins d’espace que les routes et il est très complémentaires des mobilités douces (vélos, marche à pieds…)
Tirer le meilleur parti d’un formidable réseau ferré qui n’est pas utilisé au maximum de ses capacités. 90% des Français résident actuellement à moins de 10 km d’une gare. Mais un tiers des gares ne sont pas desservies »
Face à l’engorgement du réseau routier qui va de Clarybde en Scylla, Railcoop a l’idée de « tirer le meilleur parti d’un formidable réseau ferré qui sera ouvert à de nouveaux acteurs privés et qui n’est pas utilisé au maximum de ses capacités.
90% des Français résident actuellement à moins de 10 km d’une gare.
Mais un tiers des gares ne sont pas desservies et le réseau actuel sert en priorité les grandes villes et les axes Paris-Province. » Même raisonnement pour le trafic du fret ferroviaire en France, pour lequel Railcoop a aussi des ambitions, qui reste « très inférieur aux autres pays européens ».
Des dessertes sur Bordeaux-Lyon en 2022
Nicolas Debaisieux explicite : « Notre priorité c’est d’apporter en premier lieu de nouveaux services (dessertes) sur la ligne Bordeaux-Lyon pour mi-2022.
Actuellement, si on veut faire ce parcours en train, il n’y a pas de direct ; il faut changer à Perpignan ; passer par Vichy… Bref, ça se fait en 24 heures », exagère-t-il à peine… « Dès que nous serons opérateur de trains, nous pourrons proposer ce trajet aux clients.
Nous l’avons signifié à l’ART, l’Autorité de régulation des transports, comme des dessertes sur la ligne Toulouse-Rennes, via Limoges-Poitiers, si la coopérative grossit suffisamment.
C’est aussi une ligne de secours au cas où le Bordeaux-Lyon n’est pas retenu. »
Et pour la suite ?
« Nous sommes en train de définir nos prochaines offres pour 2023. Nous proposerons peut-être un Toulouse-Clermont : ce sont nos sociétaires qui nous le diront. Mais, avant tout, nous faisons toujours une étude de viabilité. Le Bordeaux-Lyon a un potentiel de 690 000 voyageurs par an. C’est sûr qu’il faut penser à tout : la location du réseau SNCF, les investissements en matériels (nous louerons notamment un Coradia Liner d’Alsthom). Pour cela nous avons fait appel au cabinet d’ingénierie ferroviaire Sistra. Ce qui est sûr c’est que nous ne ferons pas de grande vitesse ni du Paris-province à courte échéance. »
Le train a un problème d’offre pas de demande
Pourquoi la SNCF n’exploite-t-elle pas, déjà, ces services-là ?
« En premier lieu, parce qu’elle fait ce que l’Etat lui demande de faire. » C’est-à-dire notamment de faire de la grande vitesse et relier les grandes villes. Railcoop sera-t-elle intéressée par le Bordeaux-Marseille, une ligne mal desservie avec des trains inconfortables et peu appréciée des voyageurs ? « Pourquoi pas un jour mais pour l’instant c’est une ligne TET d’Etat dite d’équilibre du territoire. Comme d’autres lignes en Occitanie, nous verrons. Ce qui est sûr c’est que le train n’est pas un problème de demandes mais d’offres : plus on en propose et plus il est utilisé. Notre projet c’est aussi un haut niveau de qualité de service : de la restauration à bord, un compartiment fourgon pour entreposer son vélo, une planche de surf, par exemple. » Quid des billets ? Des guichets Railcoop sont prévus en gares. « Nous avons aussi la volonté de lancer du fret sur la ligne Figeac-Toulouse. Certains de nos sociétaires ont émis l’idée d’une desserte de jour entre Rodez et Paris. A ce stade nous n’avons pas fait d’étude », confie encore Nicolas Debaisieux.
Collectivités locales, conseils régionaux…
Reste qu’affréter des trains coûte beaucoup d’argent. Celui apporté par les sociétaires, même par centaines, sera-t-il suffisant ? « C’est sûr que seule la licence de transport demande un capital social d’au moins 1,5 M€ pour démarrer l’activité. Nous avons déjà 160 00 € mais si 99 % de nos sociétaires sont des personnes physiques privées nous pouvons aussi accueillir des collectivités locales, des communautés de communes, des conseils régionaux, etc. »
Le champ de l’ESS était perçu comme périphérique. On commence tous à sentir qu’il est au cœur de l’économie. »
Et de revenir sur l’apport d’un passage par Alter’Incub de Catalis. « Certains acteurs de notre projet ne connaissaient pas bien l’ESS. Nous avons été aidés pour des questions de communication également ou encore le processus d’identification du client. C’est un passage rassurant. » Par ailleurs, Railcoop appartient à un collectif de transition citoyenne. Il porte le nom Les Licornes. L’ESS est souvent mal identifiée mais elle est au cœur de la transition écologique. Avec des entreprises marquantes comme Enercoop (énergie), Biocoop (alimentation), Mobicoop (mobilités) ou encore Commown qui veut repenser les usages numériques et les rendre responsables. Le partage des profits, la capacité de mieux s’impliquer, des emplois non délocalisables, une représentativité égalitaire (un homme = une voix). « Le champ de l’ESS était perçu comme périphérique. On commence tous à sentir qu’il est au coeur de l’économie. »
Olivier SCHLAMA
(1) Le réseau Alter’Incub présent dans quatre régions (Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine et Centre-Val-de Loire) lance son 6e appel à projet national pour faire émerger et accompagner des projets innovants, créateurs d’emplois, qui allient performance économique, respect de l’humain et de l’environnement.
En région Occitanie-Pyrénées, Catalis porte le dispositif depuis six ans. Cet incubateur d’innovation sociale, couvrant le territoire Pyrénées de la région Occitanie, évolue dans la sphère de l’économie sociale et solidaire, et défend l’idée que l’innovation sociale est un vecteur essentiel de développement économique, au même titre que l’innovation technologique.
Catalis Union régionale des Scop Occitanie pôle Pyrénées. Parc Technologique du Canal – 3 rue Ariane – bât A – 31520 Ramonville Saint-Agne – Tél. : 05 61 00 15 50 – www.scopmidipyrenees.coop