L’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) est sur les rails depuis tout juste 4 ans pour garantir à toutes les entreprises un accès équitable au réseau ferré et contrôler que les monopoles n’abusent pas de leur position dominante. La publication de son troisième rapport d’activité intervient à un moment charnière pour le régulateur ferroviaire.
- Au moment où s’achève le mandat de deux membres de son collège, Dominique Bureau et Henri Lamotte, qui seront remplacés dans les prochains mois. Pierre Cardo, président de l’Autorité, salue le travail de ces deux éminents économistes pendant ces 4 années au cours desquelles ils ont apporté leur expertise.
Leur départ du collège coïncide avec l’arrivée prochaine de l’un des deux vice-présidents permanents prévus dans la réforme ferroviaire votée le 24 juin par l’Assemblée nationale et qui sera demain devant le Sénat.
- La présentation du rapport d’activité de l’ARAF intervient surtout au moment où s’achève le débat parlementaire sur la réforme ferroviaire qui consacre le renforcement du rôle du régulateur sectoriel.
En effet, l’Autorité émettra un avis conforme sur l’ensemble de la tarification du réseau ferré (1), y compris celle concernant les infrastructures de services (gares de voyageurs, cours de fret, fourniture d’énergie). Jusqu’à présent, cet avis conforme ne s’appliquait qu’aux péages perçus par Réseau ferré de France sur les sillons alloués aux opérateurs ferroviaires pour faire circuler leurs trains. Au passage, la tarification de la Suge, la police ferroviaire, se voit aussi soumise à l’avis conforme de l’ARAF.
Le texte voté le 24 juin à l’Assemblée confère aussi un rôle économique renforcé à l’ARAF qui va suivre la santé financière du système ferroviaire : l’Autorité émettra un avis simple sur le contrat de 10 ans entre l’Etat et SNCF Réseau, futur gestionnaire unifié des infrastructures, et en vérifiera l’application chaque année.
« Le contrôle du respect de la trajectoire financière du contrat révisé tous les trois ans entre l’État et le futur gestionnaire d’infrastructure est une extension intéressante de notre mission. Nous serons une vigie pour alerter et prévenir les dérives financières du système ferroviaire », commente Pierre Cardo, président de l’ARAF.
Confortée par les députés dans son rôle de régulateur fort, l’ARAF s’étonne toutefois de l’arrivée d’un commissaire du gouvernement qui assistera aux auditions du collège :
« La France souhaite se doter d’un régulateur ferroviaire fort et indépendant, mais on nous impose un commissaire du gouvernement qui ne vote pas, certes, mais assiste aux auditions du collège au cours desquelles s’expriment librement les acteurs du ferroviaire : garderont-ils leur liberté de parole face à un commissaire du gouvernement ? », soulève Pierre Cardo.
Enfin, le régulateur s’interroge sur le rôle de conciliation prêté au futur comité des utilisateurs, pour régler à l’amiable les petits litiges entre le gestionnaire des infrastructures et les entreprises ferroviaires, « sans empiéter sur les prérogatives de l’ARAF », insiste le texte de loi. Cette structure de plus ne risque-t-elle pas de contourner le régulateur en le cantonnant dans un seul rôle de « gendarme du rail » ?
« Nous pratiquons la conciliation et nous sommes plus écoutés, je crois, que ne le serait un comité présidé par le futur SNCF Réseau, juge et partie, réagit Pierre Cardo. Notre rôle va au-delà du règlement de différend, notre intervention nous permet de connaître les dysfonctionnements du système ferroviaire, nous détectons des failles dans les documents de référence de réseau établi par RFF, et recherchons une amélioration du système. Le régulateur n’est pas contre l’idée de la conciliation entre les entreprises et le gestionnaire des infrastructures ferroviaires, mais il considère que l’instance de conciliation existe déjà : c’est l’ARAF qui n’est pas seulement le gendarme du rail, mais a aussi un rôle préventif», insiste Pierre Cardo.
En 2015, l’ARAF sera également compétente pour l’infrastructure ferroviaire du tunnel sous la Manche et à terme, dans la perspective de la libéralisation des lignes de transport par autocar, le régulateur pourrait devenir multimodal. Dans ses recommandations, l’Autorité de la concurrence préconise en effet une refonte du système d’autorisations d’ouvertures de lignes d’autocar, et la mise en place d’une autorité indépendante pour réguler le secteur.
(1) un avis conforme doit obligatoirement être suivi