Vigilance requise
L'article ci-dessous, lu dans le journal "LE MONDE" doit inciter les associations et les usagers à une grande vigilance quant à l'avenir de nos lignes ferroviaires. Si les intentions peuvent être louables, il est clair que lorsque les questions financières seront examinées, la tentation de réaliser des économies en fermant des lignes fera des adeptes.
Le constat que nous pouvons faire en région Provence-Alpes-Côte d'Azur est que l'Autorité Organisatrice des Transports, le Conseil Régional, a choisi de faire des économies en réduisant l'offre ferroviaire. De quoi laisser septiques les plus optimistes sur ce que seront les choix en matière d'infrastructures ....
Petites lignes ferroviaires : un plan de sauvetage sans volet financier
Par Eric Béziat
A l’heure où le train redevient un transport d’avenir, une partie des dessertes de proximité est menacée d’extinction. Si tout le monde s’accorde pour y remédier, la question du coût reste le sujet qui fâche.
Elles ont longtemps irrigué la France. C’était bien avant le règne de la voiture. Elles reliaient les bourgs aux chefs-lieux, unifiant le pays. Elles constituèrent, avec le télégraphe, la première irruption de la modernité dans le paysage immuable des campagnes françaises. Elles ? Ce sont les petites lignes ferroviaires, un patrimoine en péril que le gouvernement a entrepris de sauver.
Le secrétaire d’Etat aux transports, Jean-Baptiste Djebbari et sa ministre de tutelle, Elisabeth Borne (transition écologique et solidaire), ont en effet dévoilé, le 20 février, leur stratégie en matière de lignes « de desserte fine du territoire », soit 9 000 kilomètres sur les 28 000 qui forment le réseau national français. En résumé, la méthode consiste à répartir entre l’Etat et les régions leur gestion. Chaque exécutif régional négocie avec le gouvernement et la SNCF cette répartition au cas par cas.
C’est qu’elles sont mal en point ces petites voies ferrées, gravement délaissées entre les années 1980 et les années 2000 – l’ère du tout TGV – au point d’avoir atteint aujourd’hui l’âge de 40 ans en moyenne (contre 30 ans pour la totalité du réseau français et 15 ans pour le réseau allemand). Cette vétusté a conduit à imposer des réductions de vitesse, voire des suspensions de circulation, et ceci sur les trois-quarts de leur kilométrage. Paradoxe : à l’heure où le train redevient un transport d’avenir, une partie des lignes de proximité est menacée d’extinction..
Face à cette situation, un premier rapport, celui de Jean-Cyril Spinetta, recommandait en 2018 un désengagement de l’État laissant aux régions le soin de se débrouiller. Il mettait sur la table le sujet qui fâche : le fardeau financier du maintien de milliers de kilomètres de voies où ne transitent parfois que peu de trains et peu de voyageurs. Une mission insoutenable, selon lui, pour l’État et la SNCF, déjà étranglés par le coût global du ferroviaire.
Une nouvelle mécanique
Au grand soulagement des régions, la proposition n’avait pas été retenue par le premier ministre Édouard Philippe, qui avait alors, en substance, résumé ainsi la doctrine du gouvernement : « ce genre d’affaire ne se décide pas dans un bureau à Paris ». Deux ans plus tard, et à la lumière d’un deuxième rapport – celui du préfet François Philizot, grand connaisseur du sujet –, une nouvelle mécanique se met en place.
Deux régions ont signé, dès la fin février, un protocole d’accord avec l’État et SNCF Réseau (le gestionnaire des voies et des quais) : Grand-Est (400 kilomètres de lignes), et Centre-Val-de-Loire (250 kilomètres). Le procédé, inspiré des recommandations du rapport Philizot, consiste à ranger les lignes en trois catégories : celles qui sont réintégrées dans le réseau dit structurant et donc financées à 100 % par la SNCF ; celles qui, comme actuellement, font l’objet d’un cofinancement par un contrat de plan État - région ; celles, enfin, qui sont reprises par la région.
Cette troisième catégorie est rendue possible par l’article 172 de la nouvelle loi d’orientation des mobilités (LOM) votée en 2019. Elle ouvre un nouveau champ des possibles allant jusqu’au recours au privé pour la gestion de l’infrastructure à la place de SNCF Réseau ou à des expérimentations du type train léger, tram-train, rails sur bitume… Toutes solutions permettant, disent leurs promoteurs, de réduire les coûts de maintenance et de gestion.
« C’est une vraie avancée », apprécie Hervé Maurey, sénateur centriste de l’Eure et grand avocat de l’aménagement du territoire en tant que président de la commission du développement durable du Sénat. « La méthode consistant à écouter les besoins des régions est la bonne, abonde Michel Neugnot, vice-président de la région Bourgogne-Franche Comté et expert transport à l’Association des régions de France. Reste à voir si le compte y est. »
Le financement, le sujet qui fâche
Car, revoilà le sujet qui fâche : le financement. Le rapport Philizot estime à 6,4 milliards d’euros les crédits nécessaires pour remettre à niveau le réseau capillaire. Comment sera réparti l’effort ? C’est un peu l’angle mort du plan gouvernemental. Même pour les deux régions signataires, le financement spécifique ne sera pas dévoilé avant plusieurs mois.
« On revient à l’éternelle question : qui va payer ? s’agace un ex-cadre de SNCF Réseau. Si on regarde le passé, la SNCF a à chaque fois joué les bailleurs de fonds du ferroviaire, quitte à augmenter la dette. » La réintégration dans le réseau structurant d’une partie des petites lignes génère pour la SNCF un surcoût de 1,4 milliard d’euros sur dix ans selon des calculs d’experts du ministère.
Côté régions, on renâcle à récupérer les lignes sans compensation de l’État, d’autant que certaines d’entre-elles (Aquitaine, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes) ont des petits réseaux très fournis de plus de 1 200 kilomètres.
« SNCF Réseau a le droit d’être plus productive », ironise un cadre de l’Association des régions de France. « On en a fait déjà beaucoup. Il n’est pas certain que cela soit réellement possible », répond-on chez SNCF Réseau. De son côté Jean-Baptiste Djebbari estime que le surcoût sur dix ans pour SNCF Réseau avoisine plutôt les 300 millions d’euros quand on réintègre les recettes nouvelles de péages et les gains de productivité. Mais il y a bien un problème budgétaire. Et le ministre de l’admettre : « Nous allons devoir redéfinir la trajectoire financière de SNCF Réseau. »
Eric Béziat