SNCF: moral des troupes
Une enquète à lire... au dela du texte!
Info reçu de "Mobilettre"
Les agents SNCF n’ont pas le moral. Les chiffres issus du baromètre social «Ampli», confié à un institut indépendant, sont très mauvais, même s’il convient de moduler les chiffres globaux par des indicateurs plus précis. Mais l’évidence saute aux yeux: les cheminots ne sont convaincus ni des bienfaits de la réforme ni de son management…
Dans le cadre de sa démarche «qualité de vie au travail», la SNCF a confié à l’Institut « Great Place To Work » (GPTW) une enquête après des 94 000 collaborateurs de l’Epic de tête, de SNCF Mobilités et de quelques filiales pour mesurer leur degré de satisfaction dans leur relation à leur travail, à leurs collègues et à leur manager. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats de cette enquête qui s’est déroulée durant tout le mois de novembre 2018 ne sont pas brillants, et de moins en moins brillants au fur et à mesure que l’on descend dans la hiérarchie.
Crédibilité, respect, équité, fierté, convivialité: cinq thématiques pour mesurer l’état d’esprit des salariés.
Commençons par l’indispensable méthodologie d’une enquête aussi ambitieuse, qui n’est pas un sondage instantané. Cinq thématiques ont été retenues: crédibilité, respect, équité, fierté, convivialité. Les trois premières mesurent la relation du salarié à son encadrement, la quatrième -la fierté- la relation du salarié à son travail, et la cinquième -la convivialité- la relation du salarié à ses collègues. Des réponses à ces cinq thématiques découlent deux indices généraux : l’indice de confiance qui correspond au taux de réponses positives sur l’ensemble du questionnaire, et l’indicateur de perception globale qui est le taux de réponses positives à la question : « Dans l’ensemble, je peux dire que c’est une entreprise où il fait vraiment bon travailler. »
Ces deux indices généraux, parce qu’on peut les rapprocher facilement de ceux récoltés dans d’autres entreprises, donnent la mesure de l’ambiance à l’intérieur de l’entreprise. A l’Epic de tête, l’indice de confiance est de 44%, à rapprocher de 55% pour la moyenne des salariés français et de 63% pour la moyenne des participants aux enquêtes de GPTW. C’est un peu mieux qu’à SNCF Mobilités, qui est à 41% mais avec des disparités selon les activités, sur lesquelles nous reviendrons. Quant à l’indice de perception globale, il n’est que de 38% à l’Epic de tête et de 33% à Mobilités, contre 46% pour l’ensemble des salariés français et 6%5 pour l’ensemble des clients GPTW.
Les relations au manager tirent vers le bas, tandis que la relation au travail tire vers le haut
Comment se déclinent ces résultats, d’où proviennent essentiellement les différences ? La convivialité correspond à la note moyenne, tant pour l’Epic SNCF que pour Mobilités. Les relations au manager tirent vers le bas, tandis que la relation au travail tire vers le haut : 41% pour la crédibilité (40 à Mobilités), 46% pour le respect (39 à Mobilités), 42% pour l’équité (40 à Mobilités) mais 54% pour la fierté (46%) à Mobilités. Premier élément d’explication si l’on projette une analyse fine des résultats de l’Epic de tête sur la situation de Mobilités : le ressenti est le même selon le sexe mais les contractuels sont plus positifs (50%) que les personnels au statut et les managers dans leur ensemble plus positifs (54%) que les personnels d’exécution (37%). La différence est encore plus nette si l’on isole les cadres dont l’indice de confiance est à 50%. Le rapport contractuels/personnels au statut et managers/exécution est sans doute plus élevé à l’Epic de tête qu’à Mobilités.
Les résultats détaillés de l’Epic SNCF font par ailleurs apparaître un degré de satisfaction beaucoup plus élevé chez les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté (62%), qui s’érode au fil de l’ancienneté pour connaître un rebond dans les dernières années de carrière. Evolution parallèle par classe d’âge. Faut-il y voir l’enthousiasme des jeunes et la résignation des plus anciens ?
Le cheminot est content de lui, de son travail personnel, moins de l’équipe
Si l’on entre plus avant dans les thématiques, on a parfois quelques surprises. La plus importante concerne la fierté qui, rappelons-le, recueille le score le plus élevé (54%) et qui recouvrait trois notions : le travail personnel, le travail d’équipe et l’image de l’entreprise. Et bien ce qui tire d’abord cet indicateur vers le haut, c’est que le cheminot est content de lui, de son travail personnel (66%), moins de l’équipe (54%) et encore moins de l’entreprise (47%), soit près de 20 points de moins. Et ils ne sont d’ailleurs que 43% à se déclarer fiers de dire à d’autres qu’ils travaillent pour l’entreprise. Les mêmes écarts se retrouvent à SNCF Mobilités : 59% de satisfaction pour le travail personnel, mais plus que 44% pour l’équipe et 41% pour l’entreprise.
81% de satisfaction lorsque l’on évoque les prises de congés !!!
Du côté des relations avec le manager, la crédibilité est entamée car seuls 29% des salariés estiment que le management tient ses promesses et qu’il y a une cohérence entre son discours et ses actions. Le respect se porte mieux, en particulier lorsqu’on interroge sur l’intérêt personnel témoigné par le manager à ses collaborateurs en qualité d’individus. 53% de réponses positives à l’Epic de tête, et un 81% de satisfaction lorsque l’on évoque les prises de congés !!! Mais 10 points de moins pour Mobilités. Quant à l’équité, la note globale de 42% cache pas mal de disparités : 16% de satisfaction seulement pour la rémunération du travail, 20% pour le partage des bénéfices et… 14% pour l’absence de coup bas et de manipulations. Ce qui permet à l’indicateur d’obtenir malgré tout ces 42%, c’est le traitement équitable selon l’origine ethnique (81%), le sexe (69%), les orientations sexuelles (79%) et le handicap (78%). C’est déjà ça!
Enfin, côté convivialité, les qualités d’accueil dans l’entreprise ou dans un nouveau poste sont bien jugées (70% de satisfaction) mais en revanche, après, on déchante… L’esprit de famille ou d’équipe ne recueille que 31% et le « nous sommes tous solidaires » un petit 21%. On sent aussi une pointe de regret, sans doute chez les plus anciens, quand on aborde la célébration des évènements qui sortent de l’ordinaire (30%). La recherche de la productivité a tué les pots conviviaux…
Au sein de l’Epic Mobilités, on trouve quelques disparités par activités. La principale étant les scores de Gares et Connexions: 48% de perception globale positive et 51% d’indice de confiance. C’est au fret, à TER et au matériel que le manager est jugé le plus respectueux, et c’est également au matériel que la fierté obtient son plus haut score (48%). Si l’on descend dans les différentes régions TER, on note un indice de confiance légèrement supérieur à la moyenne pour Normandie et Hauts-de-France, et une perception globale faible pour Pays-de-la-Loire et Nouvelle-Aquitaine. Cette dernière est vraiment le mauvais élève de la classe, en retard de 5 points sur tous les items. Et si l’on entre dans le détail des questions cela ne s’arrange vraiment pas : « Je connais les objectifs de qualité de service fixés par mon AO » : 43% de réponses positives contre 50% pour l’ensemble des régions TER, « je connais les chantiers de CAP TER 2020 » : 27% (contre 37%), « CAP TER 2020 me prépare aux enjeux de l’ouverture à la concurrence » : 23% (contre 32%) et enfin : « Mon activité TER est mieux positionnée que ses concurrents en cas d’appels d’offre » : 18% !, mais il est vrai que personne n’est vraiment optimiste sur la concurrence car la moyenne ne s’établit qu’à 25% de réponses positives.
La SNCF vient de décider une réorganisation des équipes TER Nouvelle-Aquitaine en créant quatre directions territoriales de ligne : Poitou-Charentes, Limousin-Périgord, Nord-Aquitaine et Landes Pyrénées Atlantiques. Dans le journal interne Les Infos, elle explique que ceci permettra « aux équipes d’être réactifs (sic !), innovants (idem) et de piloter l’activité au plus près des objectifs qui seront fixés dans la future convention TER ». Faut-il y voir une relation de cause à effet et une extrême réactivité ? En tout cas, cela tombe bien !