Les défis du rail
Juristourisme est une revue juridique et pratique destinée aux acteurs privés ou institutions publiques du tourisme et des loisirs : agence de voyage, office du tourisme, tour-opérateur, commune touristique, transporteur, exploitant, palais des congrès, hôtelier-restaurateur. Son dernier numéro aborde la question des mobilités touristiques et les défis du rail. A cette occasion, NOSTERPACA a été invité à exprimer son point de vue sous la forme d'une tribune en apportant ses éléments de réponse à la question posée par l'éditeur : "la privatisation du transport ferroviaire en PACA : une fausse bonne idée ?"
Le texte de la tribune :
Depuis 1993, l’outil ferroviaire national a été déconstruit par des orientations politiques coupées du réel. À aucun moment durant les quarante années passées, les conséquences des décisions prises n’ont été évaluées. Le rail français, ex-champion du monde, se retrouve aujourd’hui en queue de peloton. Résultats des réformes successives : le statut de cheminot a été supprimé et les effectifs de l’entreprise historique ont fondu de 24 % dans les vingt dernières années. L’établissement public industriel et commercial (EPIC) créé en 1982 a laissé place en 2020 à une société anonyme à capitaux publics, le groupe SNCF.
Aujourd’hui, les nouveaux entrants s’installent sur des créneaux rémunérateurs. Rail Coop tente de relancer la transversale Lyon-Bordeaux avec bien des difficultés. Cette situation a pour effet une offre très capacitaire sur les axes principaux avec un nombre de trains réduit. En France, la majorité des voyageurs emprunte des « services librement organisés »1. Une minorité utilise les trains express régionaux (TER) ou ceux de l’État (trains d’équilibre du territoire – TET). Au bilan, l’offre de service public est en régression, en contradiction avec les discours encourageant les transports alternatifs par rapport à la voiture individuelle.
Ce cadre général est accentué par la régionalisation engagée en 1997. En 2016, en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), la volonté politique a été de réduire le budget attribué aux services ferroviaires, en remplaçant sur certains parcours les TER par des bus. Précurseur de l’ouverture à la concurrence, l’exécutif régional a lancé des appels d’offres dès 2018 afin d’ouvrir l’exploitation des TER à d’autres opérateurs que la SNCF. Le conseil régional a ainsi attribué à Transdev le lot Marseille-Nice. Ce choix deviendra réalité en 2025. D’ici là, des ateliers seront construits et du matériel neuf livré. Seize rames de cet axe seront remplacées par des neuves. Il ne sera donc pas difficile pour le nouvel opérateur de faire mieux que son prédécesseur, qui utilise un matériel vétuste sans disposer d’installations de maintenance adéquates. Le second lot, « l’étoile azuréenne », est attribué à SNCF Azur, filiale de la SNCF créée en réponse à cet appel auquel ce seul candidat a répondu. Concurrence, vous avez dit concurrence ? Miracle ou mirage ?
Et les usagers des services publics ferroviaires dans tout ça ? Ils ne sont pas encore confrontés à toutes les conséquences de l’ouverture à la concurrence. Ils constatent cependant au quotidien les difficultés générées par la partition de l’ex-SNCF, divisée aujourd’hui en plusieurs entreprises. Entre les billetteries TER, TGV OUIGO ou INOUI et les TET, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver, certaines cartes de réduction nationales n’étant plus acceptées ici. Ils subissent la fermeture des guichets, l’absence de personnel, les retards ou suppressions de trains, et la diversité des informations, qui varient selon la source.
Le ferroviaire est un système industriel. Pour être efficace, il doit intégrer les différents protagonistes de la mise en œuvre des circulations. La « désimbrication », marotte des politiques libérales, a conduit l’entre- prise historique dans une impasse économique. Il sera laborieux et coûteux de l’en sortir, si toutefois cette volonté existe. La mutualisation des ressources et la solidarité des acteurs qui concourent à la production sont gage d’un service de qualité.
La répartition de l’offre régionale entre six opérateurs nécessitera de la transparence pour les voyageurs. Pour ce faire, un pilotage global devra être créé afin de limiter les conséquences négatives prévisibles. Quel sera alors le bénéfice d’un tel chamboulement ?
1. P. Pérennes, Étude Trans-Missions, 19 juill. 2023, basée sur les données de l’IRG-Rail.