Des chiffres inquiétants
Lu sur Mobi Télex, à propos de la situation rencontrée par les opérateurs des Transports Publics suite à la crise COVID-19 : Les chiffres d’un désastre à venir
Outre les pertes de Versement Mobilité et la baisse des recettes voyageurs pendant les deux mois de confinement, c’est aussi le rythme évalué par les autorités organisatrices du retour « à la normale » qui va tendre leur trésorerie. Jusqu’à la rupture ?
Les additions, ou plutôt les soustractions, font mal. Confrontées à une situation totalement inédite, les autorités organisatrices de la mobilité ont joué la transparence vis-à-vis du député LREM Jean-René Cazeneuve, chargé d’une mission d’évaluation de l’impact de la crise sanitaire sur les finances locales. Certaines évoquent d’ores et déjà des défauts de paiement envers les opérateurs pour cet été…
Quelle que soit la taille des agglomérations, la perte de recettes dépasse très largement le sixième du budget annuel.
Le Covid-19 agit sur les budgets mobilité de la même façon que sur les malades : par attaques successives. Après les dégâts en matière de Versement Mobilité (2 milliards d’euros), ce sont les recettes tarifaires qui plongent. Nice-Métropole Côte d’azur : moins 20 millions d’euros (sur 46 millions !). Tours-Syndicat mixte des mobilités de Touraine : moins 8 à 9 millions, sur 22 millions. Rouen Métropole : moins 10 à 11,5 millions, soit 35 à 40% du total budgété. Quelle que soit la taille des agglomérations, la perte de recettes dépasse très largement le sixième du budget annuel (du 16 mars au 11 mai, soit deux mois sur douze); elle est deux à trois fois plus importante, en moyenne.
Pourquoi ? Comme souvent, c’est le Sytral, dont la réputation de compétence n’est plus à faire, qui livre les clés de la projection sur l’année 2019. Ses hypothèses retenues sont les suivantes : le trafic reprend à 25% fin mai, 50% de juin à août, 70% en septembre, 80% en octobre, 90% en novembre et décembre (et 95% en 2021). L’impact prévisionnel est immense : 100 millions d’euros pour 2020, soit -39%! Auxquels il faut ajouter la perte de Versement Mobilité : 65 millions d’euros…
Il faudrait affiner, retrancher de cette somme la récupération des aides d’Etat sur le chômage partiel et les économies réalisées sur les fluides d’énergie non consommée et la maintenance non réalisée, y rajouter des dépenses supplémentaires d’entretien, de nettoyage et de communication, voire, à plus long terme, la pérennisation de dépenses d’accompagnement des voyageurs pour faire respecter les distanciations physiques.
En résumé, la situation de trésorerie des AOM (et partant, celle des régies et des opérateurs) ressemble à un tunnel dont on ne voit pas la sortie, sinon au bout d’un très long virage sans visibilité… Pour Ile-de-France Mobilités, les projections seraient même presque pires: 14,5 à 22% de pertes de Versement Mobilité (entre 655 millions et 1 milliard d’euros), 32 à 42% de pertes de recettes tarifaires (1,2 à 1,6 milliard d’euros), soit 2,6 milliard d’euros au pire, avec un rythme très très faible de retour des voyageurs dans les réseaux depuis le 11 mai.
D’où l’angoissante question : comment faire pour maintenir une offre suffisante compatible avec les règles sanitaires et assurer les contributions envers les opérateurs ?
Les AOM en appellent au Président
IDFM n’aurait-elle pas dû honorer ses contributions prévues dans ses contrats avec la RATP et la SNCF ? Vu l’évolution de la situation, la question en taraude quelques-uns… En effet, malgré une offre à 10% pendant deux mois, l’autorité organisatrice a continué à rémunérer « normalement » ses deux opérateurs principaux. Résultat : l’Etat n’a pas jugé bon d’aider ses deux entreprises, puisque leur trésorerie « tenait ». Et aujourd’hui, ce sont les finances d’IDFM qui sont dans le rouge…
L’ensemble des autorités organisatrices de la mobilité se retrouvant menacées, leur association de représentation, le Gart, cherche à convaincre l’Etat de les accompagner. Pas facile, vu l’ensemble des urgences. Selon nos informations, c’est même parce que Matignon resterait sourd aux appels à l’aide que Louis Nègre a décidé d’écrire directement au Président de la République. L’argumentaire est basé sur quelques exemples concrets et se termine ainsi : « Alors que le gouvernement a mobilisé 7 milliards d’euros pour sauver Air France et qu’un plan de relance est prévu pour l’industrie automobile, les élus du Gart ne comprendraient pas que les transports du quotidien sans lesquels aucune reprise économique ne sera possible, soient laissés de côté » On a connu des discours plus alambiqués. La crise a ceci de positif qu’elle simplifie les formulations.
Auprès du député Cazeneuve, le Gart est allé un peu plus loin en suggérant, comme outil d’aide à la compensation intégrale des pertes de VM et de recettes, la baisse du taux de TVA pour les transports du quotidien de 10% à 5,5%. Ce serait un premier pas qui permettrait au gouvernement de ne pas « lâcher » des collectivités et des opérateurs en fâcheuse posture.